Recife, écueils, esclavage et Histoire / Recife, pittfalls, slavery and History

Architecture, musiques, quilombo et candomblé.

 

Le programme de ce que je recherchais à Recife était complexe : partir sur les traces de 338 ans d´esclavage, et de 126 années supplémentaires de conséquences depuis l´abolition. Questionner le Brésil, qui fut le dernier pays du Nouveau Monde à abolir l´esclavage en 1888, sur son histoire et les suites de cette sombre période.

 

6 jours et 4 domaines pour comprendre un peu plus ce Brésil d´alors, peuplé de natifs indiens, de colons européens et de noirs, profondément hiérarchisé, et ce Brésil moderne qui tâche de gommer les immenses différences créées jadis.

Pour l´Histoire, les esclaves noirs, embarqués de force sur les côtes africaines pour venir travailler dans les champs de cannes à sucre, venaient remplacer sur les côtes brésiliennes la main d´oeuvre indienne qui périssait de maladies européennes... La ville de Recife et sa voisine Olinda, sont jalonnées de superbes sites à l´architecture coloniale. Des églises aux murs fatigués percent la végétation luxuriante d´Olinda, et celles de Recife apparaissent soudainement au voyageur aux détours d´une rue, entre marchés et immeubles modernes.

 

Transcendé par les rythmes des afro-blocos lors du carnaval de Salvador, je recherchais ici, dans l´état du Pernambuco, les traces de cette connexion musicale historique. Tous les mardis, le quartier de Santo Antônio accueille la Terça Negra, (mardi noir), qui rassemble des groupes de musique jouant notamment de l´afoxé ou du maracatu, musiques fortement influencées de rythmes africains apportés par les esclaves. L´événement idéal !

 

Mais malgré la justesse de l´information confirmée par l´office de tourisme de Recife et mon hôte sur place, la Terça Negra m´échappe. Lorsque je débarque la nuit venue de mon bus à l´endroit souhaité, la place est vide et sombre, à l´image du reste du centre ville, qu´il est d´ailleurs déconseillé de visiter en soirée en temps normal. Incompréhension des informations ou repos des musiciens après la semaine de Carnaval ? Les explications possibles ne manquent pas. Dans une courte vidéo, j´enregistre ma frustration sur le chemin du retour. Elle ne va faire que s´intensifier dans les jours suivants.

Je compte me rattraper avec la visite d´un quilombo et une rencontre avec le candomblé. Les quilombos sont historiquement des communautés fondées par des esclaves évadés qui ont perduré dans le temps. Souvent très pauvres et en retrait de la société, ces communautés luttent pour subsister et tentent de s´intégrer avec difficultés dans la société brésilienne actuelle. Le candomblé, quant à lui, est une religion afro-brésilienne. Elle mélange rites catholiques, rites indigènes et croyances africaines. On y pratique le culte des orixas, dieux multiples associés aux éléments naturels. (Fer, mer, rivières, forêts...) Chaque fidèle possède son propre orixa, à qui il propose offrandes et prières en échange de sa bienveillance, et les rites se pratiquent en langue Yoruba, langue toujours vivante en Afrique. (source)

 

Le rendez-vous avec Paulo, un membre du Quilombo Xambá à proximité de la ville d´Olinda est fixé dans une gare routière. Après avoir appelé en vain et attendu mon contact plus d´une heure, je visiterai ce quilombo urbain fondé en 1930. (Si l´aspect communautaire y est bien présent, la connexion historique avec les esclaves évadés n´est pas aussi forte que je l´aurai espéré. Elle n´est pas pour autant obligatoire à la définition du statut de quilombo, communauté qui peut être également un "groupe ayant développé une résistance dans le maintien de leurs modes caractéristiques de vie". Très nombreuses et passionnantes informations ici en portugais).

 

Difficile dans ces conditions de filmer une commuauté de descendants d´esclaves évadés ! Quand je découvre en plus que ce quilombo abrite par ailleurs un lieu de culte de la religion Nação Xambá, (variante du candomblé) ma rencontre avec cette culture afro-brésilienne se complexifie. Je laisse de côté la caméra, je questionne Paulo, j´essaye de comprendre ce lien étroit, ces subtilités, ce mélange et cet entrelacement de cultures, ces différences et cette richesse...

Je repartirai frustré d´être limité par la langue et par le temps. Frustré de ne pouvoir assister à une cérémonie de Candomblé sur ma semaine de présence à Recife, et un peu déçu de ne pas visiter un quilombo plus âgé...mais ravi d´être si proche des diversités culturelles afro-brésiliennes, même si je resterai loin de toutes les appréhender, et pourtant plus proche de ce que je recherchais à Recife que jamais.